Anaïs Barbeau-Lavalette conclut son recueil de chroniques palestiniennes Embrasser Yasser Arafat sur une invocation à la liberté, à sa grandeur et à sa nécessité. Et sur une promesse lumineuse, aussi : celle de voir son fils faire ses premiers pas en Palestine, dans ce pays qu’elle chérit tant. En effet, la réalisatrice du Ring y tournera cette année son deuxième long métrage, Inch’Allah. Peut-être que ces précoces aventures rendront l’enfant aussi libre que la mère ?
Anaïs Barbeau-Lavalette a elle-même vu le jour entre deux plateaux de tournage. À la fin des années 1970, Melina, une petite diseuse de bonne aventure, avait lu les lignes de la main du directeur photo Philippe Lavalette et de sa femme Manon Barbeau lors d’un tournage en Grèce. Elle leur avait annoncé « Vous reviendrez l’année prochaine. Vous serez trois. » L’année suivante, pour la suite du tournage, le couple de cinéastes amenait avec lui son premier bébé dans les montagnes arides de l’Épire. La petite Anaïs était née.
Cette anecdote, c’est Philippe Lavalette qui nous la raconte dans ses carnets d’un cinéaste-arpenteur, La mesure du monde. Dans certaines familles, on est cultivateur ou médecin de génération en génération. Les Barbeau-Lavalette, c’est l’amour du cinéma qui les caractérise. Toute la tribu a baigné dedans.
Le lien de parenté est remarquable dans l’écriture respective du directeur photo et de sa fille. Ils partagent le même souffle, une même vision du monde qu’ils voient large et inspirant. On reconnaît dans le souci du détail d’Anaïs la finesse et l’acuité du regard de son père. Si on peut lire leur livre séparément, Embrasser Yasser Arafat et La mesure du monde forment en réalité un étonnant diptyque.
Le duo père-fille a travaillé ensemble à plus d’une reprise. Philippe Lavalette entre autres signé la photographie du premier film d’Anaïs, Le ring. Et lorsqu’on lui demande «Comment c’est, de travailler avec sa fille ?» voici ce qu’il répond : « Eh bien, c’est comme tourner avec une jeune réalisatrice dont c’est le premier film. Sauf qu’elle peut te demander n’importe quoi. Que tu ne diras jamais non. Que tu peux veiller très tard chaque soir pour passer au crible chacune des scènes du lendemain. Elle dort chez toi et part avec toi à 5 heures du mat. Elle te fait découvrir les bouquins des frères Dardenne quand toi tu lui passes ceux de Bresson. Et on se rejoint comme ça. »
Tel père, telle fille.
Josée Blanchette du Devoir a écrit: «Un bel exemple de mentorat ou d'union multigénérationnelle. Leurs récits à chacun nous font découvrir du pays, un regard pétri d'intelligence posé sur la différence et un amour indéfectible de l'authenticité, de la fragilité et de la vérité. J'admire peu de gens. Mais cette fille, dont je suis le parcours depuis longtemps, oui, beaucoup.» Lisez également l'entretien d'Anaïs Barbeau-Lavalette dans le Voir avec une magnifique photo de Marianne Larochelle à la une ou l'article de fond de Nathalie Petrowski.